La gestion préventive du Risque de rupture

Mis à jour le 29/09/2023
La loi définit un processus réglementaire qui vise à limiter le risque de rupture de barrage, ceci dès la phase d’études de conception de l’ouvrage, lors des travaux de réalisation et de mise en eau, mais aussi durant toute la vie de l’ouvrage.

Le risque majeur de rupture d’un Barrage

Dans le département des Alpes de Haute-Provence, 52 communes, soit environ 126 000 habitants, sont concernées par le risque de rupture des six grands barrages de Serre-Ponçon, Sainte-Croix, Castillon, Chaudanne, Gréoux et Quinson.
Le risque dominant concerne l'ensemble des communes riveraines de la Durance, en cas d'accident survenant sur la retenue de Serre-Ponçon, ainsi que les communes de Castellane et Quinson, situées à l'aval immédiat des barrages de Castillon-Chaudanne et de Sainte-Croix-Gréoux.

> Comment se produirait la rupture ?

La destruction partielle ou totale d’un barrage peut être due à différentes causes :

  • techniques : défaut de fonctionnement des vannes permettant l’évacuation des eaux lors de crues; vices de conception, de construction ou de matériaux, déversoirs de crue sous-dimensionnés, vieillissement non maîtrisé des installations ;
  • naturelles : séismes, crues exceptionnelles, glissements de terrain ;
  • humaines : insuffisance des études préalables et du contrôle d’exécution, erreurs d’exploitation, de surveillance et d’entretien, malveillance.

Le type de rupture dépend des caractéristiques propres du barrage. Ainsi, elle peut être :

  • progressive : dans le cas des barrages en remblais, par érosion régressive, suite à une submersion de l’ouvrage ou à une fuite à travers celui-ci ;
  • brutale : dans le cas des barrages en béton, par renversement ou par glissement d’un ou plusieurs plots.
=> Quelles sont les probabilités d’une rupture de barrage ?

Les probabilités d’accidents sont faibles. De par leur conception, les ouvrages doivent résister à la poussée de l’eau, laisser s’évacuer des crues très improbables (millénale ou décamillénale suivant le type), et ils font l’objet d’une surveillance continue par leur exploitant.

La pertinence des hypothèses de construction est analysée par l’exploitant lors des mises à jour des études de danger tous les 10 ans, et des diagnostics approfondis de l’état des ouvrages sont également réalisés à la même fréquence.

> L’onde de submersion

Une rupture de barrage entraîne la formation d’une onde de submersion très destructrice se traduisant par une élévation brutale du niveau de l’eau à l’aval. Sa hauteur, sa vitesse et son horaire de passage ont donc été étudiés pour chaque commune située en aval des ouvrages dans le cadre du PPI (Plan Particulier d’Intervention). Cette onde se propage rapidement, à peine 24 heures entre la rupture du barrage de Serre Ponçon et la mer. La carte du risque, également appelée "carte de l’onde de submersion" représente les zones menacées par une rupture totale de l’ouvrage (progressive ou brutale). Elle détermine quelles seront les caractéristiques de l’onde de submersion à l’aval de l’ouvrage : hauteur et vitesse de l’eau, délai de passage de l’onde, etc. Cette carte permet de définir les actions du PPI ainsi que les zones (inondation comparable à une crue) où le préfet déclencherait le dispositif ORSEC (Organisation de la Réponse de la Sécurité Civile).

La gestion préventive du Risque de rupture

=> LES OBLIGATIONS DES PROPRIÉTAIRES ET DES GESTIONNAIRES

Les obligations des propriétaires et concessionnaires des barrages sont modulées en fonction de l’importance des risques et des enjeux.

Les barrages de classe A et B doivent faire l’objet d’une étude de dangers, à actualiser respectivement tous les 10 ans et 15 ans. Celle-ci explicite les niveaux des risques pris en compte, détaille les mesures aptes à les réduire et en précise les niveaux résiduels une fois mises en œuvre les mesures précitées. Cette étude prend notamment en considération les risques liés aux crues, aux séismes, aux glissements de terrain, aux chutes de blocs et aux avalanches ainsi que les conséquences d'une rupture des ouvrages. Elle prend également en compte les accidents et incidents liés à l’exploitation de l’ouvrage. Elle est précédée d’un examen détaillé de l’ouvrage, notamment des parties habituellement noyées, soit par vidange de l’ouvrage, soit par examen subaquatique.

Cette étude de danger est rédigée par un organisme agréé par le ministère de l’environnement.

=> LE RÔLE DES SERVICES DE L’ÉTAT

L’État a en charge le contrôle de sécurité de second niveau des  barrages. Ce contrôle est réalisé par le Service de contrôle de la sécurité des ouvrages hydrauliques de la DREAL direction régionale de l'environnement de l'aménagement et du logement PACA, sous la responsabilité du Préfet des Alpes de Haute-Provence.
L’État s’assure ainsi que les propriétaires et exploitants satisfont bien aux exigences réglementaires imposées par des contrôles sur site notamment. La fréquence du contrôle varie en fonction de la classe de l’ouvrage (les ouvrages de classes A étant contrôlés plus souvent que les B et les C). Il a également un pouvoir d’appréciation quant aux informations transmises par les gestionnaires d’ouvrages et peut imposer des obligations plus sévères que celles de la réglementation nationale.
L’État a également en charge l’agrément des organismes en charge de la maîtrise d’œuvre des travaux et de certaines études (étude de danger notamment) en vue de garantir le respect des règles de l’art.

=> L’EXAMEN PRÉVENTIF DES PROJETS DE BARRAGE ET RÈGLES DE CONCEPTION

La conception d’un ouvrage est guidée par le souci d’assurer sa sécurité et celle de ses fondations. L'ensemble des règles de construction est établie dans l' arrêté technique barrage du 6 août 2018, fixant à la fois :

  • les crues de référence (de millénale pour un barrage rigide de classe A à décamillénale  pour un barrage en remblai de même classe par exemple),
  • la résistance aux phénomènes sismiques
  • des probabilités de défaillance des organes de sécurité des
  • barrages

 Pour leur expertise, les services de l’État peuvent faire appel à l’expertise pluridisciplinaire du Comité Technique Permanent des Barrages et des Ouvrages Hydrauliques (CTPBOH). Ce dernier est consulté lors des phases de conception des barrages de classe A et lors de toute modification substantielle de l’ouvrage. Il émet également un avis
sur l’onde de submersion avant l’établissement du PPI.

=> UNE SURVEILLANCE EN CONTINU DES OUVRAGES

La surveillance de l’ouvrage incombe à l’exploitant du barrage, assisté par un bureau d’étude agréé. Les barrages de classes A, B ou C sont exploités selon des consignes de surveillance strictes et sont dotés, pour la plupart, de dispositifs d’auscultation capables de détecter le moindre signe avant-coureur d’une menace. Ces dispositifs, conjugués à des examens techniques de routine de l’ouvrage et de son environnement, ainsi que des visites techniques approfondies, à une fréquence qui dépend de la classe de l’ouvrage permettent à l’exploitant de s’assurer de son comportement. L’exploitant rend compte de cette surveillance de l’ouvrage dans un rapport de surveillance qu’il rédige à destination des Services de l’État.

Maîtriser l'urbanisation

Compte tenu des faibles fréquences de rupture des ouvrages, l’État n’a pas prévu de mesure d’urbanisme à l’aval des barrages. Il n’y a pas de contrainte d’urbanisme applicable dans les Alpes-de-Haute-Provence liées à la présence des grands barrages. La nature même du risque conduit à privilégier l’information, à organiser l’alerte et l’évacuation.

> Information sur les lâchers d’eau

Électricité de France a recensé et classé les sites à risque de montée brutale des eaux. Ont été mises en place des parades adaptées pour en limiter les effets. Afin de sensibiliser les usagers à ce risque (pêcheurs, promeneurs, baigneurs, pratiquants de sports d’eaux vives et entreprises), EDF réalise des campagnes d’information en bordure des cours d’eau (panneaux, lâchers de semonce, limitation des créneaux horaires de turbinage…).

> Le système spécifique d’alerte barrage

=> La « zone de proximité immédiate »

En cas d’événement majeur, l’exploitant déclenche un signal spécifique par sirènes. Ce signal émet des séquences d’une durée minimum de 2 minutes composées d’émissions sonores "corne de brume" de 2 secondes séparées d’interruptions de 3 secondes.

Ces sirènes sont testées tous les premiers mercredis des mois de mars, juin, septembre et décembre à 12h15 avec un signal d’essai de 12 secondes. (Composé de 3 émissions de 2 secondes, séparées par un silence de 3 secondes).

Apprenez à le reconnaître ! Ce signal signifie qu’il faut rejoindre immédiatement, à pied, les points de rassemblement prédéfinis sur les hauteurs (voir consignes complètes dans le chapitre alerte et secours).

=> Les zones plus en aval

En cas d’événement majeur, des messages sont radiodiffusés par « tous moyens de diffusion » à l’initiative du Directeur des Opérations de Secours (Préfet).

En cas de risque de rupture de barrage, le préfet - et les préfets des autres départements impliqués – déclenchent aussitôt le dispositif ORSEC (PPI propre au barrage, Plan Rouge), les maires déclenchant parallèlement leur Plan Communal de Sauvegarde.

> Les ruptures de barrages qui ont fait date :

On dénombre environ 40 000 barrages dans le monde. Près de 150 ruptures se sont produites depuis les années 1800, dont certaines ont fait plus de 1 000 morts.

En France, la rupture brutale du barrage de Bouzet (Vosges) en avril 1895 a fait 87 victimes.

Le 2 décembre 1959 le barrage de Malpasset (Var) cède suite à la rupture de l’appui rocheux : Bilan : 423 victimes sur la commune de Fréjus essentiellement. En Italie, en 1963, un glissement de terrain a entraîné l’écroulement de 260 millions de m3 de terre et de roches dans la retenue. Ce déplacement a produit une vague, qui a submergé le barrage de Vajont sans endommager sa structure et qui a fait plus de 2 100 victimes.

Dans les deux premiers accidents cités ci-dessus, la rupture s’est produite lors de la première mise en eau de l’ouvrage et en situation de crue. Depuis ces accidents, la réglementation a été considérablement renforcée.